Festival Ouest-Nord-Ouest 2004 à Quimper :
Alan Stivell célèbre 50 ans de harpe celtique




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Dix jours avant l'ouverture officielle du Festival Ouest-Nord-Ouest 2004, Alan Stivell s'est produit en avant-première les 4 et 5 mars au Théâtre de Cornouaille. Un spectacle qui s'appuie sur le dernier album "Au-delà des mots". "C'est tout simplement l'histoire et les rêves de ma vie, et l'occasion de mettre à l'honneur les harpes néo-celtiques qui y sont arrivées comme par magie", explique le barde breton.

Alan Stivell s'est toujours efforcé de défendre son intégrité. Ce musicien puise son inspiration non seulement dans son propre particularisme culturel, mais aussi dans son intérêt passionné pour toutes les aspirations artistiques communes à l'humanité toute entière. Difficile de contester l'évidence : pour l'artiste qu'est Alan Stivell, ça roule. D'ailleurs, un simple inventaire de ses trophées suffit à le prouver : une nomination aux Grammy Awards, un Grand Prix de la prestigieuse Académie Charles Cros (pour l'album intitulé "Renaissance de la Harpe Celtique"), l'attribution du titre de Disque de l'Année par l'hebdomadaire britannique "Melody Maker", l'obtention du Tenco italien décerné à l'ensemble de sa carrière, l'Indie Award des producteurs et des distributeurs américains (pour les "Harpes du Nouvel Age"), 18 albums dont sept d'or, des milliers de fans à Rome et à Milan comme à Londres et à New York...

Né en 1944, Alan Stivell s'est d'abord appelé Alain Cochevelou. Ses aïeuls, natifs de Gourin, dans l'ouest intérieur de la Bretagne, avaient quitté la ferme familiale pour émigrer à Paris, comme tant d'autres bretons. Le père d'Alan, Georges Cochevelou, un homme remarquable, traducteur, inventeur et fin lettré, était un artiste complet, digne de la Renaissance. Toute sa vie durant, il nourrit l'ambition de faire renaître la pratique de l'antique harpe celtique. Après des années de recherches, Georges Cochevelou réussit à fabriquer un prototype. Avec l'aide de son père, et le concours d'une concertiste, Mademoiselle Mégevand, harpiste classique, le jeune Alain, précocement doué pour la musique, entreprend alors de maîtriser la technique requise par ce nouvel instrument.

En l'absence de tout répertoire, l'ancien n'ayant pas survécu, il faut adapter à la harpe de nouveaux arrangements, basés sur les musiques traditionnelles du folklore breton, irlandais, gallois et écossais. Cette méconnaissance absolue de la pratique antique de la harpe celtique se révèle être une véritable bénédiction, obligeant ainsi les Cochevelou à créer pour l'instrument des morceaux inédits. La harpe bretonne ressuscitée sous les doigts juvéniles d'Alan qui a neuf ans, est présentée à la maison de la Bretagne à Paris en 1953. Peu de temps après il entre chez les Scouts Bleimor, basés à Paris, et s'intègre à leur bagad, formation musicale bretonne traditionnelle directement inspirée des joueurs de cornemuse d'Ecosse.

L'intérêt naissant, il commence à apprendre à jouer de la bombarde et de la cornemuse. Dès 1955, s'accompagnant lui-même à la harpe, Alan se produit sur scène, notamment à l'Olympia, où il donne un spectacle en solo, alors qu'il n'a même pas douze ans... Saluant dûment l'exploit, le premier enregistrement de harpe celtique sort dans la foulée. En 1961, Alan prend la direction du Bagad Bleimor, l'ensemble rafle les premiers prix de tous les festivals de musique traditionnelle.

Tout en cultivant ses propres racines celtes, et en approfondissant ses connaissances musicales en la matière, il apprend le gaëlique et l'anglais bien sûr, en bon fan de rock'n'roll qui se respecte.

En 1966, Alain Cochevelou échange son nom contre celui d'Alan Stivell : le mot breton Stivell désignant la source, proviendrait étymologiquement de Kozh-Stivellou - Cochevelou - signifiant également source. Il entame une série intensive de concerts et un an plus tard, signe un contrat avec Philips. De cette association sortiront deux albums, "Reflets" en 1970, et "Renaissance de la Harpe Celtique", en 72.

En 1972, les 1.500.000 exemplaires vendus de "Olympia Concert" propulsent dans un même élan Alan Stivell et la musique bretonne à la place que l'un et l'autre méritent au sein des cultures populaires. L'entrée de la Grande-Bretagne et de l'Irlande dans la communauté européenne donne aux Bretons l'occasion, si longtemps attendue, de rassembler les peuples celtes, pour enfin concrétiser l'antique rêve d'une union des nations celtiques.

La profonde fascination qu'il éprouve pour les technologies de pointe, lui interdit de partager l'idéalisme communautaire, prônant le retour à la nature. Il prend soin d'éviter de s'imposer le carcan d'un traditionalisme idéologiquement borné. Sur la pochette de "Symphonie Celtique", on peut lire, écrit de sa main : "En tant que Breton, je me sens également citoyen du monde. Ce que je cherche à exprimer, c'est l'idée d'un monde sans frontière, riche de toute la diversité de ses cultures et de ses ethnies. La tension qu'exerce des influences différentes et le respect de ces différences est la base même d'une dialectique créative. Il ne faut surtout pas craindre un tel processus, indispensable à toute évolution..."

Après le succès de l'album "Olympia Concert"', Alan Stivell part en tournée en Europe, au Canada et en Australie. Les trois albums suivants sont tous disques d'or : "Chemins de Terre" en 1973, "E Langonned" en 1974 et "Live In Dublin" en 1975.

En 1975, Alan Stivell crée son label, Keltia III. Au début des années 60, le son propre et clair du guitariste des Shadows, Hank Marvin, lui avait inspiré l'idée de concevoir et de fabriquer une harpe électrique. Au-delà du pari technique, le véritable défi consistait à trouver le point d'équilibre entre tradition et modernité. En 1985, sur la pochette de "Harpes du Nouvel Age", Alan Stivell écrit : "J'ai toujours été fasciné par la magie des merveilles de la haute technologie, quand celle-ci réussit à s'intégrer à l'ensemble de l'humanité. Cette magie permet à tous d'embarquer pour un voyage dans l'infini du futur. Simultanément, une corde vibre pourtant en moi, qui me relie à mes origines... c'est la passion complexe que j'éprouve pour des mélodies d'un genre pré-médiéval, que la tradition celte a préservées vivantes jusqu'au vingtième siècle. Cette dualité - les racines originelles et le modernisme - voilà ce qui a toujours été la base de ma musique."

La harpe électrique a fini par voir le jour au début des années 80, et Alan Stivell l'a abondamment utilisée pour l'album "Harpes du Nouvel Age". Au bout du compte, ce sont plus de dix harpes différentes qu'il a successivement conçues, et il a récemment terminé la mise au point d'un synthétiseur-harpe midi, une création originale à laquelle il se consacre depuis bientôt vingt ans.

Lors du Festival Interceltique de Lorient, en 1980, avec sa "Symphonie Celtique", interprétée sur scène par un orchestre de 300 musiciens, devant un public de 10.000 personnes, Alan Stivell atteint une sorte de sommet créatif. Cet événement ambitieux, succès artistique autant que commercial, faisait suite à la sortie, en 1979, de l'album du même nom, enregistré par une formation plus restreinte de 75 musiciens. Cette symphonie est l'ultime expression des sentiments qu'Alan Stivell éprouve à l'égard de son identité bretonne, et de la place qui lui revient dans un contexte culturel plus vaste.

Au début des années 80, après trois albums sortis sur le label Keltia III, "Terre des Vivants" en 1981, "Légende" en 1983, et "Harpes du Nouvel Age" en 1985, Alan Stivell s'accorde une retraite sabbatique de six ans, loin des feux de la rampe.

En 1987, il sort un nouvel album sous la forme d'un hommage au plus célèbre des mythes celtes, la légende du Roi Arthur. "The Mist Of Avalon" sort en 1991. En 1993, paraît "Again", une sorte de mise en perspective de sa propre production : il ré-enregistre ses morceaux les plus connus, entouré d'invités, dont Kate Bush, Shane Mc Gowan, le maître es cornemuse Davey Spillane, le percussionniste africain Doudou N'Diaye Rose, Laurent Voulzy et Gilles Servat. "Again" est disque d'or en France, et plus de 300.000 albums seront vendus, partout dans le monde. Ce disque marque le retour d'Alan Stivell : de toute évidence, il est en grande forme !

Alan Stivell est parfaitement à l'aise dans la world-music, et il tient tout particulièrement à enrichir ses propres productions de toutes sortes d'influences. "Musicalement, de fantastiques fusions ont été réalisées, surtout par des artistes africains. En tant que breton, je m'efforce d'accomplir une tâche parallèle : eux et moi, nous sommes confrontés à des problèmes similaires, tels qu'en rencontrent les représentants de toutes les cultures non-européennes. Les Celtes se situent hors de l'Europe, et ils se posent donc les mêmes questions qu'un Africain, ou un Birman : à quoi se limitent les origines culturelles ? Dans quelle mesure est-il possible d'intégrer des influences diverses sans courir le risque de perdre son identité et son âme ? Chacun doit trouver une solution à ces problèmes, une solution qui lui soit personnelle."

"Brian Boru", sorti en 1995, est l'illustration parfaite des interrogations d'Alan Stivell. Après avoir produit lui-même sa musique pendant de longues années, il a demandé à Martin Meissonnier, l'excellent producteur français de world-music, réputé pour son travail avec Papa Wemba, King Sunny Ade et Amina, de collaborer à la réalisation de "Brian Boru". Les dix standards de musique celtique se sont ainsi vus attribuer un traitement de faveur, rigoureusement moderne et cosmopolite, passent du souffle grandiose de l'épique "Land Of My Fathers" (auquel ont virilement participé les 15.000 spectateurs gallois enregistrés pendant un match au Cardiff Arms Park) aux charges rythmiques de la ligne de basse de "Let The Plinn" et "Sword Dance". Scrupuleusement intègre, Alan Stivell tient le cap du Renouvellement Créatif Constant.

En 1997, ont été publiés deux coffrets faisant le point sur 25 ans d'une carrière exceptionnelle. "1 Douar" ("une Terre" en breton), disque-évènement sorti en 1998, se veut résolument celte mais aussi métisse et futuriste. Cet album a été enregistré entre Rennes, Rotterdam, Dublin, Londres, Paris et New York avec une pléiade d'invités prestigieux : Youssou N'Dour, Khaled, John Cale, les Soeurs Goadec, Jim Kerr, Paddy Moloney, etc. Avec "1 Douar", terre de rencontres et de fusions, Alan Stivell est un homme en avance, déjà dans le troisième millénaire.

Désormais, et plus que jamais, Alan Stivell est face à l'avenir : il fonce, et il aime ça. Les portes qu'il a contribué à ouvrir dans les années 60 et 70 ont permis à plusieurs générations de musiciens bretons de s'épanouir. Nombreux sont les jeunes artistes de Bretagne qui doivent une partie de leur succès à l'intrépidité d'Alan Stivell et à sa créativité fertile et généreuse. Au fil des années, il a gardé intactes les mêmes passions : la musique, la technologie avancée, ses racines celtes et sa capacité à se renouveler.

Ainsi, le dernier disque "Au-delà des mots" s'inscrit dans la lignée de trois albums essentiels : "Telenn Geltiek", "Renaissance de la harpe celtique" et "Harpes du nouvel âge". Et si ce nouvel opus constituait l'essentiel des deux concerts donnés au Théâtre de Cornouaille, Alan Stivell n'en a pas moins interprété les "tubes" immortels, de "Tri Martolod" à la "Suite Sud-Armoricaine", mais aussi plusieurs extraits de l'album "Back to Breizh", comme "Ceux qui sèment la mort", malheureusement toujours d'actualité. Une belle façon de célébrer le cinquantenaire du retour de la harpe celtique en Bretagne, en attendant la publication d'un ouvrage sur le sujet, prévu pour le mois d'avril prochain.

Nicolas Gonidec 


Extrait du concert d'Alan Stivell - Débit : 256k

Extrait du concert d'Alan Stivell - Débits : 56-128k

Extrait du concert d'Alan Stivell - Son 56k

Interview d'Alan Stivell - Débits : 56-256k


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Photos Copyright Nicolas Gonidec - Hervé Thomas - An Tour Tan (2004)



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